DEUX PILOTES QUI S'ARRACHENT LE VOLANT : CELÀ SE PASSE DANS NOTRE CERVEAU !

Quelle est donc cette étrange capacité, du cerveau humain, à continuer à foncer droit dans le mur quand ce dernier sait précisément que le mur est bien réel ?

Vous ne comprenez pas de quoi je parle ?

Dans la plupart des crises humaines, économiques, climatiques, sanitaires, environnementales, sociales, il ressort très souvent, à postériori, la lenteur à laquelle nous avons réagi.

L’explication ne tient pas dans le fait d’un manque d’informations disponibles. Toutes les crises que nous avons traversées ces dernières décennies et celles que nous devrons affronter ces prochaines années sont largement documentées, monitorées, analysées et prévues.

Qu’est ce qui cloche donc dans notre cerveau pour ne pas considérer comme vital le fait de changer de direction avant d’arriver dans le mur ?

La réponse est simple. C’est juste un problème gauche-droite ! Rien à voir avec un quelconque équilibre politique mais plutôt hémisphérique !

Fonctionnement de votre cerveau

A votre gauche, je vous présente l’hémisphère de votre cerveau, rationnel, analytique. En deux mots, le pilote expert-comptable.

A votre droite, je vous présente l’hémisphère des émotions, de l’irrationnel. En deux mots le pilote artiste.

Vous m’excuserez pour les stéréotypes mais ils aident à la compréhension. Pour celles et ceux qui veulent changer d’images, libres à vous de le faire. Vous pouvez prendre par exemple la scène mythique de conduite d’une 2 cv  dans le Gendarme de Saint Tropez !

Voilà, vous avez la réponse à notre étrange capacité à foncer droit dans un mur en sachant précisément que le mur est bien là. Deux pilotes, un expert-comptable et un artiste, se disputent le volant !

 

Un exemple simple

Pour comprendre le résultat de cette conduite, prenons un exemple simple. Notre devenir sur cette planète.

L’expert-comptable reçoit, à longueur de journée, des chiffres attestant que nous sommes bel et bien dans une urgence climatique. La « Grande Accélération » comme la nomme certains scientifiques :

– Le mois de mai 2020 a été le mois de mai le plus chaud en France depuis le relevé des températures.

– Extinction des espèces (il n’y aura plus de poissons en 2050 dans les Océans).

– Perte des forêts tropicales

– Acidification des océans

– Inéluctable fonte des glaces

– Apparition des premiers réfugiés climatiques…

Sur le siège, à côté, ou plutôt, dans l’autre hémisphère, le droit précisément, le pilote artiste réagit avec ses émotions. Et notamment avec une émotion qui lui permet de survivre ou tout du moins de repousser la mort : la peur. Face à tous ces chiffres, l’hémisphère droit tempère pour ne pas céder à la panique de la mort. Il se dit, en fonction, de sa propre technique de défense :

– « ce n’est pas pour tout de suite et d’ici là l’humanité aura trouvé des solutions » ou,

– « le réchauffement de la planète, tout cela c’est une foutaise, je n’ai jamais eu aussi froid cet hiver » ou,

– « de toute façon ce n’est pas en allant au travail à vélo que le monde va changer »,

– etc, etc

Depuis quelques années, lorsque les médias essaient de nous sensibiliser sur l’urgence de la situation. Les supports utilisés tentent de convaincre par l’émotion. En espérant que, cette fois-ci, les deux pilotes iront tous les deux dans la bonne direction en évitant le mur.

Malheureusement, le pauvre ours polaire, seul sur ce qui lui reste de banquise, affecte l’hémisphère droit de façon totalement partielle. Sur l’instant cela marche. Mais après quelques minutes tout redevient comme avant. Pourquoi ?

Le pilote artiste réagit durablement à une menace qui le contraint dans son devenir : la mort ! Faire un lien entre un ours polaire et sa propre fin n’engage pas l’hémisphère droit à agir ! De plus, le fait de vivre coupé de la nature dans les grandes agglomérations donne du crédit à l’hémisphère droit lorsqu’il affirme que tout cela est très loin. A la fois dans l’espace mais aussi dans le temps.

Par ailleurs, en plus du fait que ces deux pilotes se disputent le volant, il est nécessaire de rajouter un troisième larron : la motivation !

La motivation

Pour changer nos comportements quotidiens, encore faut-il en avoir suffisamment.

Seul petit problème, nos deux pilotes, les deux hémisphères du cerveau, ont associé la motivation à la valeur de la récompense.

Bon, à ce stade, vous allez peut-être me dire que vivre c’est quand même une belle récompense. Je vous l’accorde. Seul petit bémol : les neurosciences ont démontré qu’au plus la récompense est loin dans le temps, au plus la valeur diminue et au plus la motivation s’effrite.

« Loin dans le temps », cela signifie quoi pour notre cerveau ? Quelques semaines, quelques mois tout au plus une année….

Du coup, si l’on résume très simplement la situation : quelques soient les crises, notre cerveau dispose de deux pilotes pour éviter de foncer dans le mur. Le pilote de gauche, expert-comptable et le pilote de droite, artiste. L’expert-comptable comprend les chiffres et les alertes qui lui sont données. Quant au pilote droit, l’artiste, il tempère en diminuant la taille du mur car la mort n’est pas si proche que cela. Rajoutez à ce tableau peu engageant, un manque chronique de motivation et vous obtenez ce que l’humanité vit au quotidien !

Sommes-nous condamnés systématiquement à gérer sur l’instant les crises sans les éviter ? Sommes-nous condamnés à retourner ensuite à l’anormal lorsque la crise est passée ? Peut-être que non !

Comment changer ?

En adoptant une histoire qui captive les deux pilotes. Une histoire dont la conclusion est suffisamment proche pour rester motivé. Une histoire que les deux hémisphères peuvent comprendre avec leur propre sensibilité, rationnelle et émotionnelle.

Du coup, il apparait qu’il serait souhaitable de préférer les petites histoires efficaces à court terme aux grandes histoires avec changement potentiel dans des dizaines d’années.

Voici donc une petite histoire à se raconter lorsqu’on habite en ville.

J’aimerais pouvoir respirer sans tomber malade à cause de la pollution de l’air (50 000 personne en meurent chaque année en France). Si l’on arrivait à respirer en ville, vous imaginez le bonheur ? Respirer de l’air aussi pur qu’à la campagne. On dirait : « tiens, je vais respirer un coup ce midi. »

Actuellement, vous voyez, vous, des gens qui, en plein Paris, lèvent la tête au ciel et prennent des grandes bouffées d’air à pleins poumons (hormis en période de confinement) ?

Donc, concrètement, pour parler au pilote expert-comptable, il faut simplement lui dire : « aujourd’hui, la pollution de l’air dans les villes tue 50 000 personnes chaque année en France. L’espérance de vie baisse de 2 ans vers 30 ans à cause de cette pollution. »

Cependant, pour le pilote artiste, cela n’a rien à voir, c’est une toute autre petite histoire. « Sens-tu tous les jours l’odeur nauséabonde des pots d’échappement ? Vois-tu ce que fait ton voisin lorsqu’il sort de chez lui avec son masque ? Sais-tu que 3 enfants sur 4 respirent un air toxique en France et que l’asthme, les allergies, l’eczéma de tes enfants sont provoqués par la pollution ? Imagine, maintenant, que l’air de la ville soit aussi respirable que celui de la montagne ou du bord de mer. Que l’odeur de l’air ne soit plus celle des pots d’échappement mais celle de la végétation s’invitant au milieu de chaque habitation et même des immeubles ! Fini le bruit des moteurs à explosion ! La seule différence qu’il y aurait entre la campagne et la ville serait simplement le nombre de personnes vivant au mètre carré. »

Ainsi, pour le pilote artiste, il faut lui servir de l’immédiateté. On ne respire plus aujourd’hui en ville, le problème est bien là. Il faut aussi lui servir du lien social. Tout le monde est concerné par ce fléau : son voisin, lui, etc… Mais aussi une histoire avec des images stimulant son envie. C’est l’image de la ville verte avec, comme seul bruit, celui des oiseaux et des gens.

Avec des petites histoires comme cela, nos deux pilotes s’allieront tous les deux vers le même objectif. Afin d’gir ici, maintenant et tout de suite.

Ainsi, c’est à force de choisir des batailles assez importantes pour compter mais aussi assez petites pour les gagner que nos deux hémisphères feront avancer le monde !