LE CERVEAU : SPARRING PARTNER DE LA PERFORMANCE SPORTIVE

Il existe bien des marges de progrès dans le sport de niveau concernant la performance sportive. Et ce levier repose sur le cerveau.

Par exemple, Michael Phelps est incontestablement un des plus grands champions olympiques de tous les temps. Son palmarès ?

22 médailles olympiques dont 18 médailles d’or.

En fait, Michael a doublé son nombre de médailles lors de ses toutes dernières compétitions.

Pourquoi ce champion toute catégorie faisant partie du top mondial des 0,001 % a 3 experts qui l’accompagnaient pour l’aider ?

Parce que la performance et par conséquent la réussite nécessite la mise en place d’une stratégie précise que la personne elle-même ne peut pas voir.

Le cerveau : une machine à prédire

Pendant longtemps, notre cerveau a été décrit comme un organe réactif attendant d’être stimulé pour travailler. Mais les neurosciences ont démontré le contraire ! Par conséquent, notre cerveau est une machine à prédire (1). Ainsi, en fonction de ses apprentissages passés, le cerveau émet des hypothèses qui vont influencer les réactions présentes. Cela signifie donc que ce que nous ressentons à chaque instant n’est pas seulement lié à ce que nos sens enregistrent mais à ce que notre cerveau avait prévu de nous faire ressentir ! En effet, ces prédictions semblent prendre une place considérable et agissent sur notre jugement et notre compréhension.

Un athlète éprouve trop de stress lors d’une compétition ? Son cerveau, prédisant que cela va se renouveler, lui crée cette sensation même si tout semble bien se passer. Alors, la réaction n’est donc pas logique mais automatique. Par la suite, ce genre d’apprentissage influe sur son mental, sculpte sa vision du monde. Sans moyen d’accéder à ce qui est codé en lui, le sportif ne peut être qu’un spectateur passif de ses réactions. C’est pourquoi la préparation mentale est là pour faire passer le sportif de haut-niveau du stade spectateur passif au stade acteur éclairé de ses réactions et donc de sa performance.

Dans le modèle prédictif de la perception, le contexte est fourni par les niveaux supérieurs du cerveau qui ne sont pas sensibles aux détails de la scène. Ainsi, cela va biaiser la façon dont les niveaux inférieurs vont traiter l’information. Le contexte va permettre d’avantager telle ou telle hypothèse.

Pour en avoir la preuve, faites le test sur l’image suivante.

Les deux barres horizontales vous semblent de taille différente, tout comme les deux cercles oranges et les deux traits verticaux et pourtant ce n’est pas le cas. Voilà un exemple de biais de perception dépendant du contexte.

Qu’est-ce qui se passe dans votre cerveau ? Le contexte analysé par le cortex préfrontal va influencer la zone de perception du cerveau à savoir l’aire visuelle (V1) comme schématisé sur l’image ci-après.

"Pourquoi le sportif moderne doit-il payer l'erreur de Descartes d'avoir divisé le corps et l'esprit ?" (Damasio – 1994)

C’est une excellente question que celle posée par Damasio !

Voici donc un bref historique de l’accompagnement mental du sportif de haut niveau dans le monde.

1897 : Première expérience scientifique en psychologie du sport pour étudier les effets de la présence d’autrui sur la performance (Norman Triplett, université de l’Indiana).

1921-1938 : Création du premier laboratoire de psychologie sportive aux USA avec Griffith. Parallèlement, la psychologie du sport se développe en Allemagne, au Japon et en Russie.

1950 en France : A. Bouvet met en place une batterie de tests pour l’équipe de France de ski de piste et initie le yoga comme moyen de préparation psychologique. Sa démarche novatrice ne reçoit aucun écho.

1968 : Aux JO de Mexico, M. Vanek et BJ Cratty interviennent régulièrement auprès des équipes nationales (Tchéquie et USA).

1988 : Participation officielle des psychologues sportifs comme accompagnateurs de l’équipe olympique américaine. Rien que pour l’équipe d’athlétisme, il y avait 15 psychologues du sport pour 180 athlètes.

La France est encore très en retard sur cet aspect de la préparation…

En effet, certains coachs témoignent de ce retard et de ces lacunes comme Olivier Dall’oglio, coach du stade brestois (Libération, 20 Juillet 2020) :

« En travaillant sur les aspects cognitifs, on va développer des joueurs capables de visualiser des espaces et des opportunités de jeu. On parle d’intelligence de jeu, pas seulement de tactique.

Je prends parfois les joueurs à témoins : « Ça vous choquerait que l’on retire les préparateurs physiques ? ». La réponse est oui. Eh bien, il n’y avait pas de préparateur physique quand je jouais moi. Le foot évolue, les staffs sont pléthoriques…Comment voulez-vous laisser un truc aussi central que le travail mental dans l’ombre ? Dans les faits, il faut prendre le pli dès le centre de formation. On en revient toujours au même point : la clef, c’est l’éducation. »

Performance, bien-être et reconversion : le triptyque du sportif

L’accompagnement mental d’un sportif de haut niveau permet bien plus que l’atteinte d’une performance. C’est pourquoi, lorsqu’on prend en compte l’être humain et non plus uniquement sa performance, l’accompagnement mental devient un triptyque portant sur :

  • L’excellence dans la performance
  • Le bien-être
  • La reconversion professionnelle

Concernant l’excellence dans la performance, le « palmarès » de l’accompagnement mental est le suivant :

  • Préparation à la compétition
  • État de Flow
  • Intelligence du jeu
  • Résilience
  • Réathlétisation
  • Récupération
  • Augmentation du niveau de performance

Il est à noter que ce « palmarès » n’est pas exhaustif…

En ce qui concerne son bien-être, le sportif de haut niveau pourra s’appuyer sur l’accompagnement mental pour développer les points suivants :

  • Son intelligence émotionnelle
  • L’amélioration de la connaissance de soi-même
  • Le processus d’amélioration continu de son équilibre psychique

Cela peut paraitre « accessoire » mais c’est en fait tout le contraire !

Pour preuve, selon une étude (2), 58 % des sportifs de l’INSEP présentent des troubles psychopathologiques dont :

39 % : troubles anxieux dont l’anxiété généralisée est le tableau le plus représenté.

23 % : épisode dépressif majeur.

17 % : conduites addictives, principalement l’abus d’alcool.

6 % : troubles des conduites alimentaires dont l’anorexie, la boulimie et les troubles non spécifiés.

3 % : troubles psychotiques.

Enfin, pour clore le triptyque, l’accompagnement mental prépare aussi à la reconversion professionnelle, véritable bouleversement identitaire, physique et social. Dans cette phase, le travail porte notamment sur l’adaptation, la projection dans le futur, l’adoption d’une nouvelle posture et enfin sur tout le processus de motivation.

Axes de travail et outils de l’accompagnement mental du sportif

Lors de sa carrière professionnelle sportive, l’accompagnement de l’athlète concerne les domaines suivants :

Pour arriver à ces résultats, il est nécessaire d’utiliser des outils permettant de coder le fonctionnement du cerveau de façon efficace et pérenne donc en ayant accès à ce qui constitue 90 % des schémas mentaux : l’inconscient !

En effet, vouloir travailler uniquement sur les 10 % de conscient reviendrait à vouloir gagner un marathon en courant avec un boulet à chaque pied…

Parmi ces outils, il existe également l’imagerie mentale. Étudiée en détails par les neurosciences notamment grâce à l’évolution des moyens exploratoires comme l’IRM fonctionnelle, l’imagerie mentale permet au sportif de haut-niveau bien plus que l’atteinte de la performance.

Dans l’image ci-dessous, vous pouvez observer sur la première ligne du haut les zones du cerveau s’activant lorsqu’une personne imagine qu’elle est en train de courir. La ligne du milieu représente, quant à elle, les zones du cerveau qui s’activent lorsque cette personne court réellement. Enfin la ligne du bas, identifie les zones (bleues) qui sont communes aux deux. Alors, vous pouvez donc constater que pour le cerveau courir ou imaginer courir est quasiment la même chose. Cela se traduit d’ailleurs aussi physiologiquement puisque des personnes ayant réalisé, pendant 3 semaines uniquement de l’imagerie mentale sur la course ont pris en moyenne 12 % de masse musculaire en plus…

Au-delà de cet exemple, l’imagerie mentale pour le sportif de haut-niveau permet :

  • Un apprentissage accéléré
  • Une activation musculaire
  • La concentration
  • Le gain d’amplitude
  • La limitation de la perte de force
  • La réduction de la douleur

De plus, tout comme l’imagerie mentale, la relaxation est aussi un état modifié de conscience permettant de coder directement au niveau des 90 % d’inconscient.

La relaxation chez le sportif de haut-niveau permet aussi :

  • La gestion du stress
  • L’augmentation de la confiance en soi
  • La récupération
  • L’augmentation de la qualité du sommeil
  • La projection dans le futur

Par ailleurs, associée à l’imagerie mentale, la relaxation peut être extrêmement efficace dans certains domaines comme la récupération des effets psychologiques d’une compétition mais à l’inverse peut être aussi néfaste dans certains cas qu’il ne faut pas négliger.

Je vous propose de vous décrire, plus en détails, à la fois les consignes et les limites de l’imagerie mentale associée à la relaxation dans un prochain article.

En attendant, il est indispensable aussi de mettre en avant d’autres techniques portant sur les états modifiés de conscience pour obtenir un nouveau codage neuronal et donc de nouveaux comportements.

La Programmation Neuro Linguistique, très utilisée dans l’accompagnement mental aux USA est aussi associée à l’hypnose pour l’athlète en sachant que les deux sont à la base réunis en une seule et unique discipline créée par Richard Bandler et John Grinder dans les années 70 aux USA.

Nous sommes au tout début de ces avancées spectaculaires que le cerveau peut provoquer à la fois au niveau de la performance, du bien-être et ensuite lors de la reconversion du sportif.

Cette approche lorsqu’elle sera intégrée à l’éducation du sportif aura, alors, pris tout son caractère humaniste.

  1. Miall & Wolpert, 1996 / Lafleur et al 2016 inspiré de Blakemore et al. 2002
  2. Salmi, C. Pichard, E. Jousselin, Psychopathologie et sport de haut niveau. Science and sports, Elsevier masson, 2010, 25(1), pp.1-10